Monday, November 27, 2006

Roméo et Juliette en Tunisie




 

Roméo et Juliette en T

POURQUOI L'URGENCE D'UNE RÉFLEXION?

La violence suicidaire et l’irruption du terrorisme islamiste contre le modèle démocratique occidental ou européen est facilité si non préparé par le sommeil et l’indifférence religieuse des responsables et décisionnaires d’une Europe qui prône les libertés et les droits de l’homme, mais est moralement incapable de réfléchir et de se fonder sur ses valeurs spirituelles.

Une Europe qui saurait défendre la liberté de l’amour et de la mixité, mais seulement à son propre détriment. Qui serait capable d’adopter toutes les différences (d’ethnie, de religion, d’opinion etc.), mais ne serait pas capable de se faire adopter par une différence substantielle: de civilisation fondée sur la tolérance, la paix et la liberté, comme étant l’apport du texte biblique et du message fondamental du christianisme.

Perdue donc l’occasion pour un « mea culpa » moral devant sa propre Constitution, l’Europe d’aujourd’hui ne se condamne pas simplement à la décadence, mais signe véritablement l’acte moral de sa future disparition devant les « exigences » économiques de la globalisation.

Des espaces urbains entourés des témoignages prestigieux du passé, dont ses politiciens veulent ignorer la portée philosophique en se montrant tels des gorilles du pouvoir industriel. Des frontières géographiques devenues désormais les périmètres du déploiement policier et militaire pour rassurer la vie en péril de ses citoyens, évidemment mal réveillés du sommeils de leurs consciences (..religieuses ? ) par l’éclatement des bombes terroristes: «Le pire, pour nous, doit encore arriver»- disait Fallaci et disait vrai. Simplement parce qu'elle le disait avant encore de voir les carnages de Madrid, d'Istanbul, de Kinshasa, de l'école russe de Beslan opéré par les commandos des fondamentalistes tchétchènes, de Tâba dans le Sinaï en 2004, de Charm El Cheick, de Dahab les deux années suivantes, de Bombay en 2008, et des ceux que nous ne pouvons pas toujours éviter, tel l'horrible attentat qui les a précédé à Londres.[1]

«D'ailleurs, la collision entre nous et eux n'est pas militaire.- ainsi écrit Fallaci- Elle est culturelle, intellectuelle, religieuse, morale, politique. (La collision qui existe et doit exister entre les pays démocratiques et les pays tyranniques.) Et nos victoires militaires ne résoudront pas l'offensive de leur sinistre belligérance. Au contraire, elles l'encouragent. Elles l'enveniment, l'exacerbent. » [2]

La constatation est amère et ainsi l’autre question fâcheuse : l’Occident peut vraiment devenir une «province de l’Islam» ?   

Ma question, en reconnaissance de cette dénonciation sans voile, se différencie en substance : au nom de qui et de quelle religion ou humanité les leaders européens ont pu par exemple faire demande de grâce pour l’ancien dictateur d’Iraq Saddam Hussein devant le tribunal qui l’a sacrifié à la scène médiatique ? Si le Président français Chirac ou le Chancelier allemand Schröder ont voulu prôner clémence sur les décisions d’une court de justice irakienne, comment le faire, en oubliant de témoigner la valeur universelle de l’humanité du Christ ? Si rien leur aurait mieux appris la valeur du Pardon et de la vie humaine, pourquoi enfin l’oublier au moment de définir le texte de la Constitution Européenne ?  

Ainsi l’histoire que je pose à sujet de réflexion, celle d’Iman qui me touche directement et, comme pour tous les autres à partir du cas de Hina Saleem, le problème que fondamentalement son cas indique à nos consciences, n’est pas une question plus délicate mais aussi pas d’un deuxième ordre d’importance, malgré les apparences. Le droit de vivre ou de condamner à mort, comme le droit à l’amour et au mariage ont philosophiquement le même ordre d’importance et socialement un rôle également vaste et fondamental. Nous voyons en effet ici où et comment les deux blocs, l’Occident ou l’Europe et le monde de l’islam, s’opposent.

[1] Le 7 juillet 2005. Voir les amples reportages de presse de ce jour et les suivants, encore plus frappant par le fait que l’événement tragique venait à offusquer à toujours l’exaltation populaire pour l’assignation des jeux olympiques et le déroulement pacifique de la réunion du G8 en Ecosse.
[2] La rage et L’Orgueil, Ed. Plon, p.60 et suivants, extraits publiés en ligne.
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Aujourd’hui  je veux exprimer mes dernières considérations sur la malheureuse relation qui m’a vu engagé avec cette jeune fille tunisienne, condamnée à porter douloureusement la marque d’une maladie psychique. Sous le coup d'une crise morale et psychologique due au divorce de ses parents, en mai 2002, lorsqu'elle se trouvait dans la Cathédrale de Tunis, elle fait une rencontre qui change sa vie.  C'est la rencontre d'un homme qui ne s'arrête pas au constat d'une situation douloureuse, mais qui désire vraiment l’aider.  Au delà de tout préjugé, il sait voir le désir profond de libération qui est en elle.  Quant à elle, son envie est de fuir avec lui son enfermement social et de compenser une vie sentimentale sans issue apparente. Mais de plus en plus anxieuse et psychologiquement incertaine, après quelques mois passés loin de sa famille, vivant un rapport énigmatique avec son aimé, elle s'est sentie très déprimée.  Dans la difficulté d'entériner un acte de mariage entre un étranger chrétien et une femme musulmane, soit elle « nouvellement-née» à la foi chrétienne, la seule solution est de s'exiler à l'étranger. Mais Iman, ne pouvait pas facilement obtenir son passeport pour partir et en même temps elle ne pouvait pas se désengager d’un véritable conflit émotif avec sa famille. Lors d'un soudain retour à son foyer, elle y trouve une atmosphère très hostile. Peut-être elle imaginait que sa quête de liberté finirait par être acceptée.  Résultat tragique des inévitables tensions familiales : son enfermement dans l'asile psychiatrique.
La mère, qui travaille dans un service public d'aide social, avait facilement manœuvrée la commission médicale étatique qui l'a déclarée comme étant un cas de handicap. Elle a ainsi retirée totalement à la jeune fille son indépendance et décision individuelle en réclamant la mise sous tutelle. Une décision pourtant pas assez justifiée sur le plan médical quand plutôt sur le plan d’une intégration socio-religieuse forcée. Aucune jeune fille, de n’importe quelle nationalité ou religion, ne mérite d'être considérée et traitée en tant que psychologiquement aliénée sous prétexte qu'elle a décidé d'épouser un homme d’une confession différente et qu’elle-même a adoptée, comme Iman, évidemment condamnée pour avoir rejeté un code non plus seulement religieux, mais tribal. Elle est ainsi punie par son milieu familial de n’avoir pas voulu rester dans un rôle soumis de jeune fille musulmane. Tout comme cette jeune fille de 21 ans de parents pakistanais et résidante en Italie, Hina Saleem, dont la mort atroce a déferlé la chronique et révulsé les italiens, on a un dur prix à payer pour aimer avec un cœur libre. Hina avec sa vie, par son martyr après menaces et violences de la part de sa famille, Iman avec sa réclusion sous accusation d’infirmité mentale.

« La mort atroce de Hina Saleem – écrit dans une lettre ouverte Maura Ruggeri, conseilleur aux politiques sociales dans la commune de Cremona – (..) tuée par les mâles de famille pour avoir refusé de se soumettre à des lois cruelles qui déniait sa liberté, son droit à choisir la personne avec la quelle vivre ensemble, ne peut pas nous laisser indifférents. Ce crime nous regarde, il regarde notre Pays, nous ne pouvons pas nous contenter de l’explication sociologique qui le reconduit à l’obscurantisme d’une culture patriarcale et masculine qui présuppose la domination absolue de l’homme sur la femme et enlever notre regard. La construction d’une société multiculturelle ouvre des processus et provoque des conflits qui voient au centre les deuxièmes générations et surtout les jeunes filles, qui sont les sujets plus faibles, souvent en subissent les conséquences dans la solitude et dans l’indifférence générale. »

Victime du vice probablement plus radical de la société islamique, l’hypocrisie, Iman aussi doit porter le masque de l’acceptation d’un code social qui ne doit pas se discuter. Un code qui torture, en recouvrant les plaies des péchés humains et du danger moral d’une société qui ne sait pas reconnaître les sources du mal qui la mine : indifférence humaine et autoritarisme. Son jeune oncle, affligé par la détresse et le désespoir de sa situation psychologique, s'efforça d'aider Iman à obtenir une chance de se marier civilement à l’étranger, mais inutilement. Malgré l'évidence d’un amour partagé, rien encore n’a pu convaincre la mère, qui n'aurait accepté le mariage - chantage typique, absurde et inacceptable de nos jours - qu'à la seule condition que le futur mari renie le christianisme et devienne musulman. Aujourd’hui, si Iman est retournée à son foyer divisé, elle a aussi perdu à jamais le courage de s’opposer aux décisions unilatérales dictées par les intérêts immédiats de sa mère. Sans aucun pouvoir, ni économique ni tant moins moral, d’être maître de son avenir et de ses aspirations, elle a été sommée d’oublier son histoire amoureuse, de supprimer son droit à l’expression d’une mémoire douloureuse de séparation. Après le choc médiatique de l’assassinat brutal de la jeune Hina, en Italie, c'est inévitable de se questionner sur combien de femmes, particulièrement dans le monde musulman, sont aujourd’hui condamnées au même destin de retranchement et de silence. Qui aurait jamais le droit d’enchaîner leurs cœurs et de faire de l’amour, soit il le plus pur et désintéressé, un interdit ?

« Laisse ton copain ou je te tue» [1] - ainsi crie Mohammed Saleem, un musulman intégriste à sa fille Hina dans la dernière altercation. Il l'avouât si tranquillement devant les policiers, sans manifester le moindre repentir, tandis que son avocat commentait «Mon client est animé par de profondes convictions religieuses. Il suit scrupuleusement le Coran». [2] Elle avait 21 ans, un air mutin, un joli sourire sur les lèvres. Les photos parues dans la presse la représentent vêtue d'une robe blanche d'été, les bras nus. Hina a été égorgée à Sarezzo (Brescia) le 14 août 2006 par son père musulman à l'issue d'un conseil de famille : «Je ne voulais pas qu'elle devienne comme les autres», a commenté l'assassin.[3]

Il y a quelque chose de tordu dans cela, de dangereusement fou plus encore que faux et -ce qui est encore plus grave- d’insupportablement opposé à la liberté. Et j’ajoute, à la liberté et à l’amour. Car le vrai amour est toujours libre. Et l'islam ose affirmer tout à fait le contraire encore aujourd'hui.

© Nino Mucci. Novembre 2006. (Extrait d'un projet de livre)



[1] L'ultima lite: «Lascia il tuo ragazzo o ti ammazzo » - La Repubblica on line, cronaca, 15 août 2006[2] Voir "Le Figaro" du 17 août 2006,"Le meurtre d'une Pakistanaise secoue les Italiens", de Richard Heuzé.[3] Le Figaro, id., les mots en italique sont pris ex texto.