Sunday, October 18, 2015

Le double standard de l'Union Européenne - LETTRE OUVERTE à S.E. Federica MOGHERINI



LETTRE OUVERTE À S.E. Federica Mogherini
 *Haute Représentante pour la politique étrangère de l'UE

Nœud de Salomon, Maison du Nymphée - ville d'Ostie (Rome)
           


Excellence,

Permettez-moi d’exprimer le sentiment qui voudrait emporter celui qui, pour trop aimer une Italie qui n’est plus, écrit cette lettre ouverte « en volontaire exil » depuis le pays du Maghreb qui est peut-être le plus attristé et le plus culpabilisé dans le cyclone terroriste qui est en train de secouer des continents entiers du globe : cette Tunisie qui surplombe le gouffre libyen et dont je ferais au moins mon propre témoignage.

La résolution finale de la circulaire du Conseil des Affaires étrangères de l'Union européenne, le 12 Octobre 2015,  telle que rapportée par l'agence ANSA avec des communiqués de presse qui font écho de la volonté actuelle de domination atlantiste US - ou plutôt exclusivement celle du Président Obama - devient un brûlot incendiaire qui peut seulement amplifier à démesure le conflit au Moyen-Orient. Et cela par des tons impératifs, du type  « les attaques de la Russie doivent cesser immédiatement car sur des objectifs qui vont au-delà  de l’Etat Islamique et les groupes désignés terroristes par l'ONU », ou les accusations venimeuses de «violation russe de l'espace aérien des pays voisins» en Syrie.

Il suffirait de dire par contre que toutes les actions militaires menées par les pays étrangers, celles anglo-américaines, celles françaises, celle de la célèbre "coalition internationale" qui semble si faible devant le monstre « Daêch » (« Etat Islamique »),  ne se justifient pas en termes de droit international, car elles piétinent la souveraineté syrienne et son Président légitimement élu Bashar Al-Assad,  quelles que soient vos opinions et votre politique étrangère, parce que le peuple syrien - appelé au scrutin dans une situation dramatique de boycott médiatique, a quand même légitimement choisi. Il a choisi, malgré le terrorisme que des lobbys sans nom ont payé, financé et médiatisé d’une façon honteuse et éhontée. 

Autant dire que le brave Président de la Fédération de Russie, que Dieu le bénisse, a agi en toute responsabilité devant la menace mondiale d'un terrorisme barbare et féroce, en pleine conformité avec les principes du droit international sur ​​la base d'une demande directe du gouvernement syrien.

Autant dire que sur la même base que le Conseil des Affaires étrangères de l’UE sollicite, doit également cesser de la part d’Ankara l'action de soutien logistique pour des cellules terroristes liées à Al-Qayda, au Front al-Nosra, et à d'autres qui ont commis des crimes contre l'humanité non moins horribles que ceux du soi-disant l'État Islamique, dont l'acronyme arabe Daêch. 

On ne peut pas oublier le scoop du journal Cumhuriyet  juste parce que le Président islamiste Erdogan a menacé ce journal de censure et son directeur de "prison à vie"!  Je pense que sur ce point Vous serez d'accord. 

Et j’oserai Vous faire présent pareillement que toute faction armée qui commet des crimes notoires de terrorisme, (y compris le cannibalisme) et je parle ici de ces mêmes factions que l'Etats-Unis prétendent considérer «modérées», en les soutenant et en les armant, selon une pratique de double standard qui appliquent aussi en Libye, et voilà que c’est évident de considérer ces factions comme des ennemis de l'Etat et du peuple syrien qui en est martyrisé et les forces armées fidèles ont le devoir de les combattre, comme justement fait aussi le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine en tant que direct allié militaire de la Syrie. Nous ne pouvons pas être aveugles devant à la réalité du soutien populaire pour M. Poutine en Tunisie et ailleurs dans le monde arabe ou l'admiration qui se répand également pour le leader syrien Al-Assad, qui est maintenant salué comme un héros du nationalisme arabe.

On doit prendre note des conclusions hâtives et illogiques, aptes à satisfaire la haine venant des pétromonarchies tyranniques et dictatoriales du Golfe, que certainement l'Union européenne ne se permettra jamais de critiquer en ces temps de crise économique, par des affirmations absurdes comme « le régime d’Assad ne peut pas être considéré comme un partenaire dans la lutte contre l’EIIL » ("Etat Islamique en Irak et Levant").

Et pourquoi, demanderais-je, ne pourrait-il pas l’être, parce qu’il est un régime laïque inacceptable pour les extrémistes islamiques?  Pourquoi ne devrait-il pas l’être, tout étant la première victime du siège terroriste de la part des jihadistes sanguinaires repartis en plus de 80 nationalités, parce qu’il s’agit en tout cas d’un gouvernement dirigé par un Président qui a fait ses études en Occident, et qui sait malgré tout comment se présentent d'une manière digne et civile dans un pays déchiré par des conflits séculaires et par les envies des régimes tribaux, car c’est un Président qui doit contenir la haine absurde et irresponsable des parties étrangères et se défendre devant des médias déchaînés dans les campagnes de dénigrement, interagissant beaucoup mieux de ce que fait le Président turc Erdogan qui a déjà déchargés des centaines de milliers de réfugiés sur les frontières de l'Europe et qui fournit des couvertures aux crimes génocidaires, comme ils s’est précisément produits dans le siècle dernier, contre les minorités ethniques et religieuses, les Chrétiens et les Kurdes ?

Où est jamais fini le commun bon sens? 

Le chantage turc pour le "maintien temporaire" des réfugiés coûte à l'Union Européenne déjà plusieurs milliards d'euros.

Le jeu des pantomimes "printanières" en fait ne fonctionne plus, car il n’est plus crédible. Le moins que l'on puisse dire assurément dans le cas de la Tunisie, le pays de la "révolution de jasmin", mimée sur la même expression journalistique, la même «révolution du jasmin», qui aurait déjà fait le "dictateur" Ben  Ali en 1987, avec un coup d'Etat contre le sénescent Président Bourguiba. C’est cela que la presse célébrait dans la foulée de son "7 Novembre", que j’ai je tellement critiqué au temps du régime.  J’ai subit l’expulsion du pays, parce que dans mon séjour en Tunisie, en 2002, il y avait odeur de dissidence.   Je ne regrette pas d'avoir dénoncé –en 2003 avec un article qui est toujours en ligne - le régime répressif de Ben Ali. 

À toutes fins pratiques,  je peux vous assurer qu’aujourd'hui  beaucoup de Tunisiens  -la plupart- sont convaincus qu'en Tunisie il y a eu un «complot-bis », en janvier 2011. Et que l'Amérique d'Obama, celle de «droits de l’homme spécial » et du « prix Nobel pour la paix » qui anticipe  les massacres de guerres civiles, celle des services secrets cyniques et manipulateurs, en y est dedans jusqu'à ses oreilles. Ne fusse-t-il que pour les évidentes faveurs faites aux islamistes au cours de ces dernières années -et même à leurs factions les plus extrémistes, pour ne pas dire terroristes ...

En plus, il y a la question libyenne. Sur ce, je ne voudrais pas répéter le contenu d'une lettre précédente, où je Vous ai dit franchement qu'il apparaît vain d'attendre une convergence entre les milices islamiques à Tripoli et le gouvernement légitime qui est exilé à Tobrouk. Même ici, un concept de doubles standards contredit l'application pacifique des principes démocratiques chers à l'Union européenne.  

Comment peut on accepter le fait que lorsque les élections en Octobre 2011 en Tunisie ont donné la victoire au parti islamiste, immédiatement il y avait la reconnaissance de l'Union européenne , le soutien et la pleine remise de fonds et des moyens concrets pour un gouvernement transitoire qui s’est néanmoins révélé désastreux tel qu’un écroulement national en termes économiques, des droits humains et de la sécurité régionale; tandis que lorsque les élections du 25 juin 2014 en Libye ont scellé la victoire électorale du bloc nationaliste contre celui des islamistes, on trouvait de la part de l'UE une communication hésitante, un manque de soutien financier, et même l'indifférence face à l'invasion des milices islamistes, avec armes et mercenaires envoyés principalement par la Turquie et le Qatar ?   

Le sinistre spectacle des dépôts de pétrole brûlés au terminal de Sidra par ces mêmes groupes islamistes qui soutiennent aujourd'hui la coalition de Tripoli  n’a pas tout à fait suscité assez d’indignation, de réprobation et de condamnation, avec des mesures de rétorsion conséquentes, comme on s'y attendait de la part de l'Union européenne, face à la destruction des millions et des millions de barils de pétrole, comme face à la misère des réfugiés africains, massés dans des véritables camps de concentration où ils meurent lentement de déshydratation et de malnutrition , en attente d'être expédiés vers l'Europe dans les cargos du ''dernier rivage", ayant seulement un mirage avant la mort. Ce marché inhumain est organisé par une mafia qui a son centre de gravité dans le sous-bois du gouvernement illégitime des milices à Tripoli: Cette politique de doubles standards est enfin irresponsable et scandaleuse!

Comment peut-on parler de «légitimité révolutionnaire» d’un gouvernement pirate installé à Tripoli, qui a des liens avec des groupes terroristes comme Ansar Sharia, qui ont tué des centaines de journalistes, des représentants de la société civile et d’opposants démocratiques de l'islamisme?  Comme peut-on reconnaître comme fiable et authentique la décision d'un pouvoir judiciaire sous la menace de fusils-mitrailleurs à Tripoli et faire par contre les sourdes oreilles aux justes demandes d'aide du gouvernement légitime en exil à Tobrouk?  Aujourd'hui l'Union européenne ne peut pas cacher sa   grave responsabilité avec une farce - permettez-moi cette condoléance – de communiqués de presse et de critiques essentiellement antirusses parce qu’affiliées uniquement aux intérêts sordides de cercles atlantistes et de lobbies sans nom.

Comment pouvons nous ignorer l’éventualité que des centaines de terroristes jihadistes tunisiens aient été transportés ces derniers jours par un pont aérien turc du front du jihad en Syrie à l’aéroport de Mitiga en Libye, sous le contrôle de milices islamistes du gouvernement pirate de Tripoli pour être réintroduit en Tunisie- selon des sinistres "rumeurs"- avec une mascarade de présumés «otages» détenus à Sabratha, dans la zone sous contrôle de l'État islamique et où ce dernier entraîne ses terroristes ? 

Excellence, la question est brûlante, le dilemme essentiel : que va devenir la Tunisie dans quelques mois ou dans quelques semaines? 

Les inquiétudes et les sentiments du peuple tunisien -des citoyens qui dans les cafés populaires, s’écrient souvent " Vive Poutine !" ou " Vive Bachar, l’héros national arabe!"- doivent être pris en compte. Une visite officielle du Président russe à Tunis  a déjà été annoncée par l'Ambassadeur de Tunisie à Moscou. L'Union européenne ne peut pas faire aveuglément confiance à des politiciens rodés qui peuvent démissionner d'un jour à l'autre sous prétexte d'ancienneté ou par une excuse d'incompatibilité bureaucratique de parti, tandis que ce même pays qui croyait à ses aspirations démocratiques et à la liberté brûle aujourd'hui à cause d'un sordide complot islamiste sous des attaques combinées depuis ses frontières, comme mettent en évidence les tristes derniers épisodes de terrorisme 

Et si mes plaintes pourraient même me coûter la vie, parce que les meurtres visant à faire taire les voix libres ici ne sont certainement pas un événement rare, je ne me soucierais pas trop de toute façon. Il y a des journalistes qui dans ces jours veulent révéler l’épaisseur de cette menace, en défiant une mafia islamiste qui est plus effrontée et plus railleuse des libertés que la dictature sous Ben Ali.  En tant qu'intellectuel et en tant que croyant, je crois profondément que l'essence de l'humanité est ceci : le fait de ne pas rester indifférent à la souffrance de peuples entiers et de l'agonie de notre civilisation.  Puisque c’est aussi la mesure de notre véritable existence.







Sincèrement à Vous,


Nino G. Mucci

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